Le Monde vu par un Rhénan du XVIe siècle
En 1544, l’humaniste Sébastien Munster publie un ouvrage qui va marquer le XVIe siècle : la Cosmographia Universalis. L’auteur déclare en préambule que son ouvrage est
la description du monde, tel qu’il est perçu dans l’Espace rhénan du XVIe siècle. Prémices de l’encyclopédie, cette cosmographie rassemble des données géographiques, généalogiques,
zoologiques et botaniques, avec comme fil conducteur l’histoire. Les renseignements recueillis touchent l’Europe, l’Asie, l’Afrique et le nouveau continent America.
Cet ouvrage, qui connaît un immense succès, a fait l’objet de nombreuses éditions, probablement pas moins de 49 en diverses langues : latin, allemand, français, italien, anglais, thèque. Toutes ces éditions sont très inégales au niveau de leur contenu. Certains textes sont augmentés, d’autres voient des planches supprimées. Au courant du XVIe siècle, la cartographie est en pleine renaissance. De nombreuses cartes voient le jour. Celles de Sébastien Munster, publiées dans sa cosmographie, sont le plus souvent citées en référence.
Qui est-il ? Franciscain, Sébastien Munster poursuit des études de théologie et s’initie à l’hébreu. Parallèlement, il s’intéresse aux mathématiques et à l’astronomie. Son beau-fils est l’imprimeur bâlois Heinrich Petri, auprès duquel il publie alors ses ouvrages. C’est ce dernier qui sort de ses presses en 1544 la Cosmographia Universalis en langue latine. Malgré le fait que Sébastien Munster ait fait preuve d’un sens géographique poussé pour son temps et qu’il détaille ses cartes, son travail ne peut pourtant être assimilé à celui d’un cartographe scientifique ou encore d’un mathématicien. Les données livrées ne sont qu’indicatives.
Le succès de cette encyclopédie est assurément étroitement lié à l’insertion d’illustrations, réalisées pour certaines par les plus grands artistes rhénans de son temps.
Parmi ces graveurs figurent Rudolf Manuel Deutsch, G. Hofreuter, ou encore David Kandel. Il semble que la renommée des illustrations de David Kandel parues dans le Kreutterbuch
de Hieronymus Bock ait entraîné une collaboration entre le graveur-illustrateur David Kandel et l’imprimeur Henricpetri en 1550 pour la publication d’une nouvelle édition de la
cosmographie. De cette association, il résulte 17 planches signées DK.
La Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel conserve l’édition en langue allemande de 1598 : Cosmographey : das ist Beschreibung aller Länder Herschafften und fürnemesten Stetten des gantzen Erdbodens sampt ihren Gelegenheiten Eygenschafften Religion Gebräuchen Geschichten und Handtierungen. Elle fut imprimée à Bâle par son beau-frère Sebastian Henricpetri. Cette cosmographie présente un intérêt tout particulier pour l’Alsace à laquelle Sébastien Munster consacre de nombreuses pages. Le lecteur y découvre notamment le travail dans les mines d'argent de Sainte-Marie-aux-Mines, très richement illustré.
De par sa volonté de transmettre à un public élargi sa vision spatiale et temporelle du monde, Sébastien Munster s’inscrit avec ce chef-d’œuvre monumental dans
le mouvement humaniste du XVIe siècle. Avec la découverte de l’America, c’est un nouveau monde qui s’offre aux contemporains de la Renaissance. Les esprits
s’ouvrent et s’enrichissent au fil des découvertes et évolutions technologiques.
Nonobstant cette découverte lointaine de l’Amérique, c’est bien en la vallée rhénane que le nom de baptême du nouveau continent voit le jour. En effet, Martin Waldseemuller, cartographe de Saint-Dié-des-Vosges, renouvelle la cartographie de Ptolémée en 1507. Il publie dans sa Cosmographiae introductio une nouvelle carte du monde comportant la représentation du Nouveau Monde.
A Strasbourg, Jean Schott se fait le relais de ces découvertes. Il imprime en 1513 une traduction de la cosmographie de Ptolémée et l'augmente de vingt cartes modernes. Récits de navigateurs, explorateurs et chercheurs sont recueillis pour diffuser un nouveau savoir. Avec sa Cosmographia Universalis en 1544, Sébastien Munster publie à son tour une nouvelle version de la cosmographie de Ptolémée.
Avides de connaissances, les hommes voulurent partir à la découverte de nouveaux horizons. Nord, sud, est, ouest, quatre points cardinaux d’exploration. A bord des nefs et autres caravelles, les hommes essaiment vers des terres inconnues. Naviguant au gré de la rose des vents, les aventuriers se laissent porter par les flots jusqu’à terre en vue […] Voici le temps des révolutions, où la Terre est détrônée de sa place centrale dans l’Univers, où l’enveloppe charnelle perd son mystère sacré, où la nature suscite un regain d’intérêt, où Luther fait vaciller l’ordre religieux établi. Hauteur du soleil, position de la lune et des planètes permettent aux navigateurs de trouver leur chemin dans l’inconnu mouvant et changeant, qu’est la mer […] Renouveau des idées, renouveau du monde.
Extraits du livre d’art "Regards en Marge" rédigé et imprimé par la Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel en 2007.